Ayrton Senna et la malédiction du Grand Prix de France

Malgré un palmarès fort de 41 victoires et de 65 pole positions, Ayrton Senna n’a jamais vraiment connu la réussite lors de ses 10 participations à un Grand Prix de France.

Entre 1984 et 1993, le Grand Prix de France s’est tenu sur trois circuits différents. Aucun n’a permis à Senna de décrocher la victoire et seule l’édition 1986 l’a vu s’élancer depuis la pole position.

1984

Pour son premier Grand Prix de France à Dijon en 1984, le Brésilien est encore un débutant qui participe à son cinquième Grand Prix au volant d’une Toleman qui ne figure pas parmi les top teams, loin s’en faut. Pourtant Senna a déjà marqué les esprits dès son deuxième départ en marquant son premier point à Kyalami puis en récidivant lors de l’épreuve suivante en Belgique. Qualifié seulement treizième, non sans avoir collé près de 2,5 secondes à son équipier Johnny Cecotto, il renonce sur casse de turbo sans jamais avoir quitté le coeur du peloton.

1985

En 1985, il a changé de statut en signant avec Lotus-Renault et fait désormais partie du cercle des vainqueurs de Grand Prix en se présentant sur le circuit Paul Ricard qui a retrouvé sa place au calendrier de F1. Hélas, malgré une qualification en première ligne derrière Keke Rosberg, tout jeune papa d’un petit garçon prénommé Nico, ses espoirs de bon résultat s’anéantissent au bout de 10 tours. Boite de vitesses bloquée en troisième il perd énormément de temps au stand mais le pire est encore à venir. Au 29ème tour son moteur explose en pleine courbe de Signes. L’huile se répand sur ses pneus et, sans adhérence, la Lotus noire et or vient se fracasser contre les barrières de protection. Senna est indemne mais terriblement déçu de sa course.

1986

Déterminé à prendre sa revanche l’année suivante il prend la pole position devant les véloces Williams-Honda de Mansell et Piquet. Dès le départ il perd la position de tête au profit de l’Anglais mais sa course s’achève brutalement au quatrième tour dans le double droit du Beausset. Il a perdu le contrôle en glissant sur l’huile répandue par l’explosion du moteur de la Minardi de De Cesaris. Les Grands Prix de France se suivent et se ressemblent pour le pilote Lotus.

1987

En 1987 sa Lotus, désormais jaune aux couleurs de Camel, dispose comme les Williams du moteur Honda. Battu en qualifications par Mansell et Prost, il perd encore une place au départ au profit de son meilleur ennemi Nelson Piquet. Incapable de tenir le rythme du trio de tête il voit tout de même l’arrivée de son premier Grand Prix de France au pied du podium mais à un tour du vainqueur Mansell.

1988

Lors de l’édition 1988, Ayrton Senna fait figure de favori avec Alain Prost qui partage avec lui le baquet des invincibles McLaren-Honda. Invaincu en qualifications depuis le début de la saison, Ayrton Senna est sur une série de six pole positions. Pourtant au terme de la séance d’essais c’est Alain Prost qui signe le meilleur temps. Cela ne lui était plus arrivé depuis deux ans. Deuxième derrière le Français pendant le premier tiers de l’épreuve, Senna se retrouve en tête lorsque Prost perd du temps lors de son arrêt au stand à cause d’un écrou récalcitrant. Piqué au vif Alain Prost n’entend pas capituler devant son public. Dans les roues de son équipier pendant une trentaine de tours il profite du dépassement de Pierluigi Martini, pilote retardataire, pour reprendre le commandement au nez et à la barbe du Pauliste. Ce dernier, en délicatesse avec sa consommation de carburant, ne pourra pas répliquer et devra se contenter de la deuxième marche sur le podium. Son premier dans l’Hexagone.

1989

En 1989, toujours sur McLaren-Honda, il rate la pole pour 25 millièmes de seconde face à Alain Prost. Le torchon brûle entre les deux hommes, à tel point que le Français a annoncé au Castellet son départ de l’équipe avec laquelle il a remporté deux titres de champion du monde. Au départ de la course, Senna est le plus prompt à s’élancer. Mais dans le peloton un spectaculaire accident impliquant notamment Mauricio Gugelmin conduit la direction de course à brandir le drapeau rouge. Hélas pour Senna son différentiel cède dès le second départ et sa course s’arrête là.

1990

1990 voit le circuit Paul Ricard organiser son dernier Grand Prix de France. Le circuit de Nevers-Magny-Cours a signé un contrat de plusieurs années avec la FOM pour devenir le théâtre de la manche française du championnat de F1. Souffrant de problèmes de surchauffe de pneus, les McLaren laissent la pole position à Nigel Mansell qui a été rejoint par Prost chez Ferrari. Senna doit se contenter de la troisième place derrière son équipier Berger et devant Alain Prost. Malgré un bon début de course des McLaren, Berger et Senna rentrent peu à peu dans le rang à cause de leurs gommes. C’est alors au tour des étonnantes Leyton House de Capelli et Gugelmin de prendre la tête du Grand Prix. Un Alain Prost inspiré privera l’Italien d’une sensationnelle victoire à deux tours de l’arrivée. Il aura malgré tout la satisfaction de s’intercaler entre Prost et Senna à l’arrivée.

1991

Après une formidable entame de saison 1991 ponctuée par quatre victoires consécutives Senna subit le retour en forme des Williams-Renault à Magny-Cours. Pole position de Riccardo Patrese et deuxième temps d’Alain Prost qui retrouve de la performance grâce à la nouvelle Ferrari 643. Senna doit se contenter de la troisième place sur la grille à cause d’un temps frais qui désavantage les McLaren-Honda. Pas dans le coup pendant la course, il décroche tout de même la troisième place finale. Son dernier podium en France.

1992

Vainqueur de son troisième championnat du monde en 1991, la roue a tourné en 1992. Désormais la voiture et l’homme à battre sont la Williams-Renault et Nigel Mansell. Sur le tracé nivernais, Senna s’accroche à la troisième place en qualifications mais Mansell et Patrese sont très loin devant les McLaren. Harponné par la Benetton-Ford d’un certain Michael Schumacher sa course s’achève au bout d’un demi-tour à l’épingle d’Adélaïde.

1993

Honda s’étant retiré de la Formule 1 fin 1992, McLaren se retrouve motorisée par un V8 Ford client comme Benetton. Après avoir longtemps hésité à prolonger sa collaboration avec son équipe, Senna a finalement poursuivi l’aventure avec un contrat à un million de dollars par course. Après une année sabbatique, Prost est de retour au volant de la Williams-Renault tant convoitée. A Magny-Cours les monoplaces anglo-françaises semblent invincibles. Damon Hill signe la première pole position de sa carrière devant Prost. Senna doit se contenter du cinquième temps derrière les deux Ligier de Brundle et Blundell. La course est du même acabit pour le Brésilien qui doit lutter contre son ex-adversaire en F3 anglaise et Michael Schumacher. A l’arrivée il ne peut faire mieux que quatrième, très loin d’Alain Prost qui décroche son sixième succès devant son public.

Comme un signe du destin, ce sera en France, patrie de son plus farouche adversaire, qu’Ayrton Senna rencontrera le plus de désillusions. Tout le contraire d’Alain Prost, vainqueur de six Grands Prix de France mais également de six Grands Prix du Brésil, le pays qu’il a tant aimé et dans lequel il a eu également beaucoup de difficultés à s’imposer.